Limites planétaires :
Peut-on continuer à créer en 2025 ?

Les limites planétaires, conceptualisées en 2009 par Johan Rockström et une équipe de 28 scientifiques internationaux 1, représentent neufs (depuis 2023) points de bascule au-delà desquels les écosystèmes perdent leur résilience, menaçant la régénération de la biosphère ainsi que la prospérité de l’humanité. Ces seuils sont des limites à la croissance économique et des contraintes physique pour l'activité humaine.

Quelles limites avons-nous franchies ?

Parmi les neuf seuils environnementaux à ne pas dépasser pour garantir la stabilité de la Terre et son habitabilité, six sont déjà franchies, exposant l’humanité à des risques majeurs pour la santé, l’alimentation et la sécurité face aux catastrophes environnementales.

Planetary boundaries
Source : Azote for Stockholm Resilience Centre, based on analysis in Richardson et al 2023
Seuils Indicateurs

Changement climatique
(dépassé depuis 2009)

Concentration atmosphérique en CO2 : 2

423 ppm en 2024 (limite fixée à 350 ppm).

Forçage radiatif : 3

+2,91 W/m 2 en 2023 (+1 W/m 2 recommandé).

Intégrité de la Biosphère
(dépassé depuis 2009)

Observable par la chute de la biodiversité

Diversité génétique : 4

Taux d’extinction - 100 à 1 000 espèces par million/an en 2015, (10 autorisées).

Intégrité fonctionnelle : 3

Production primaire nette - 30 % liés à l’appropriation humaine (plafond à 10 %).

Changement d’usage des sols 5
(dépassé depuis 2015)

Causé par la déforestation de masse

Parts de Forêts originelles : 3

60 % restantes (75 % minimales requis).

Perturbation des cycles biogéochimiques
(dépassé depuis 2015)

Lié à l’usage d’engrais agricoles et élevage intensif.

Azote : 3

190 Tg/an fixés industriellement en 2023 (limite à 62 Tg/an).

Phosphore : 3

Mondial - 22.6 Tg/an déversés dans les océans (11 Tg/an max).
Régional - 17.5 Tg/an déversés dans les sols (6.3 Tg/an max).

Utilisation de l’eau douce
(dépassé depuis 2023)

Quantité détournée de leur cycle naturel.

Eaux de surface : 3

18,2 % perturbées par l’humain (10,2 % requis).

Eaux des sols : 3

15,8 % perturbées par l’humain (11,1 % requis).

Pollution chimique
(seuil atteint depuis 2023)

Dû aux matériaux synthétiques rejetés dans l’environnement sans mesures de sécurités adaptées.

La concentration soutenable de plastiques, métaux lourds, perturbateurs endocriniens présents dans l’environnement a été dépassée en 2023. 3

Trois autres limites identifiées sont sous tensions : acidification des océans, appauvrissement de la couche d’ozone, concentrations atmosphériques en aérosols.

Comment créer dans un monde aux ressources limitées ?

En tant qu’activité humaine, la production de produit ou service engage notre avenir collectif au travers de leur cycle de vie 6. En ancrant nos modes de production dans les limites planétaires, les designers deviennent des architectes de la résilience.

Faire de la contrainte écologique un terreau fertile pour transformer nos sociétés en partant de l’existant. Nous pouvons concevoir des sociétés plus stables et envisager une planète capable de se régénérer malgré une activité humaine devenue durable.

Pour cela, il est essentiel de créer des outils pour comprendre, agir, transformer et optimiser nos systèmes en faveur de la transition écologique. Les créateurs façonnent notre rapport au monde. Leur responsabilité est d’intégrer les limites planétaires dans chaque étape du processus de conception. Voici quelques pistes à explorer :

1. Changer de paradigme

    Encourager la collaboration transdisciplinaire. Pour compléter les connaissances sur l’impact et l’utilisation des produits, les designers doivent travailler avec :

  • Les scientifiques pour quantifier les impacts réels (analyse du cycle de vie).
  • Les citoyens via des ateliers participatifs et expression des besoins, pour améliorer ses produits en continus et rester pertinents dans les usages.
  • Les politiques pour encadrer et améliorer les marchés au travers des normes volontaires.

2. Révolutionner les matériaux

  • Remplacer les matériaux pétrosourcés par des biomatériaux (ex : algues, mycélium) ou de composites recyclés.
  • Calculer l’empreinte eau des produits, notamment dans le textile (1 jean = 7 000 L d’eau) 7.
  • Réduire le gaspillage de matière en s’approvisionnant dans l’économie circulaire et en adaptant le volume de production à la demande.
  • Privilégier les matériaux locaux et à faible impact environnemental.

3. Lutter contre l’obsolescence

  • Design circulaire : créer des meubles évolutifs, des vêtements modulaires, des équipements réparables.
  • Simplifier la réparation et le reconditionnement : intégrer des notices open source et des pièces détachées standardisées.

4. Réinventer les usages

  • Services plutôt que produits : développer des systèmes de location longue durée (ex : électroménager « as a service »)
  • Design disruptif : repenser les emballages (ex : emballages comestibles, emballages réutilisables, système de consigne)
  • Proposer des multiples usages (ex : Studio 5.5 pour Muji)

Le design est un acte politique

Chaque produit, service, espace ou expérience passe par une phase de design au cours de son cycle de vie. Participer au dépassement de ces seuils en ne les prenants pas en compte, c’est risquer des bouleversements irréversibles : pertes agricoles, catastrophes naturelles, crises sanitaires…

Néanmoins les méthodologie du design peuvent contribuer à concevoir des solutions souhaitables et nécessaires pour créer des sociétés pérennes.

Bâtir ces sociétés en préservant les limites planétaires en tant que vivant parmi les écosystèmes, c’est sécuriser notre avenir et celui des générations futures. Ce concept s’impose comme une référence pour guider les politiques publiques, les entreprises et les citoyens vers une transition écologique urgente.

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